Séparation de concubins : confirmation de la prescription des créances en indivision

Séparation de concubins : confirmation de la prescription des créances en indivision

Publié le : 23/10/2025 23 octobre oct. 10 2025

La séparation d’un couple non marié entraîne souvent des difficultés patrimoniales, notamment lorsqu’un bien immobilier a été acquis en indivision, car entre contribution inégale au financement, remboursement de prêts et travaux réalisés, les créances entre concubins sont des sources de litiges complexes.

Récemment, la Cour de cassation a rappelé les principes qui régissent la prescription des créances en indivision, en confirmant que la vie commune ne constitue pas, en soi, un obstacle juridique à l’exercice d’une action en remboursement. Une précision d’importance pour les concubins séparés souhaitant faire valoir leurs droits plusieurs années après la rupture.

 

L’acquisition en indivision : un cadre juridique exigeant


La propriété d’un bien immobilier acheté en commun dans le cadre du concubinage relève du régime de l’indivision défini par les articles 815 et suivants du Code civil, en application desquels, chaque concubin est réputé propriétaire à proportion de sa contribution au prix d’acquisition, sauf stipulation contraire.

Si un des concubins participe davantage, il peut, au moment du partage, prétendre à une créance de conservation ou d’amélioration sur l’indivision.

Encore faut-il agir dans le délai imparti par la loi, puisque les créances entre indivisaires obéissent à la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil et doivent être réclamées dans les cinq ans à compter du jour où leur titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’agir.

 

Le concubinage ne suspend pas la prescription


Dans l’affaire en question, un couple avait acquis communément un logement en 2002, et postérieurement à leur séparation intervenue en 2019, le partage judiciaire de l’indivision fut ordonné en 2021, dans le cadre duquel le concubin sollicitait la reconnaissance de créances au titre des sommes avancées pour l’achat et l’entretien du bien.

En appel, les juges ont considéré que toutes les créances antérieures à mai 2016 étaient prescrites, et pour tenter d’échapper à cette prescription, le concubin invoqua devant la Cour de cassation, le bénéfice de l’article 2234 du Code civil, selon lequel la prescription ne court pas contre celui qui se trouve dans l’impossibilité d’agir en raison d’un empêchement résultant de la loi, d’une convention ou de la force majeure.

En l’espèce, il soutenait qu’agir contre sa compagne pendant la vie commune aurait mis en péril leur équilibre familial.

Un argument écarté par la Haute juridiction qui rappelle que le concubinage ne peut pas, à lui seul, caractériser une impossibilité d’agir, faute de réunir les conditions d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et d’extériorité propres à la force majeure. Autrement dit, le simple souci de préserver la vie commune ou d’éviter un conflit personnel ne suffit pas à suspendre la prescription.

 

Une appréciation stricte de l’impossibilité d’agir


La première chambre civile valide le raisonnement de la Cour d’appel, qui avait relevé que le concubin disposait, dès l’origine, des moyens de protéger ses droits patrimoniaux, puisque conscient du déséquilibre financier entre lui et sa compagne, ce dernier était en mesure d’organiser la répartition des contributions ou prévoir une reconnaissance de dette.

Sa réticence à réclamer le remboursement pendant la vie commune peut par conséquent constituer une cause légale de suspension du délai, de sorte qu’il est naturel que les créances nées avant mai 2016 aient été prescrites au jour de l’ouverture des opérations de partage en 2021.

Par cette décision, la Cour de cassation confirme donc la prééminence du principe de sécurité juridique en matière de prescription civile.

 

Quel rappel utile pour les concubins propriétaires ?


La décision du 10 septembre n’est pas surprenante, mais s’inscrit dans une jurisprudence constante par laquelle la Haute juridiction tend à distinguer la sphère affective du cadre patrimonial.

Contrairement aux époux ou partenaires de PACS, les concubins ne bénéficient d’aucune solidarité légale ni d’un régime protecteur en cas de rupture, d’où il suit que la gestion des dépenses communes doit être anticipée avec prudence.

Cet arrêt illustre l’importance d’établir des preuves de participation financière et de formaliser, dès l’acquisition, les modalités de financement de l’immeuble indivis. À défaut, celui qui contribue davantage risque de se heurter à une prescription extinctive, même si la séparation survient plusieurs années plus tard.


Référence de l’arrêt : Cass. civ 1ère du 10 septembre 2025, n°24-10.157
 

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